À la base, je n’avais pas du tout prévu de faire cette course. J’étais inscrite sur le 57km du Trail des Forts de Besançon mais je ne suis pas disponible à la date de report fin août. Une semaine et demie avant, je vois que je suis disponible quatre jours à la date du Swiss Canyon Trail. Je cherchais à faire un petit voyage et c’est en allant sur Facebook que je suis tombée sur une de leur pub. Je fais ainsi le lien entre la date de la course et mes quatre jours de disponibilité. Je ne sais pas pourquoi mais je pensais que les inscriptions étaient toujours ouvertes alors que pas du tout. Je fais donc un petit tour sur la page Facebook de l’évènement et je m’aperçois que quelqu’un vend son dossard pour le format 51k. Quelques échanges plus tard et le dossard est à moi ! En plus de ça, ses amis ont loué un gîte pour le week-end pour cette course. Elle me propose de me joindre à eux, j’accepte et me voilà parti pour quatre jours en Suisse.
đź“ŤDate : 5 juin 2021
🇨🇠Lieu : Couvet, Canton de Neuchâtel
đź•— Heure : 8H15
⏱ Temps réalisé : 08:34:59
Veille de course :
Je vais chercher mon dossard aux alentours de 16h/17h. Le stress commence légèrement à monter, mais je reste focus, je sais que je vais y arriver, c’est dans la tête et je sais que j’ai bien été préparé par le coach.
Le soir, je prépare mes affaires, mon camelbag, mes ratios (pommes pote, fruits sec – noix de cajou, amandes, cranberries -, tomates cerises – ça c’est plus pour le moral que pour l’énergie). Je n’arrête pas de vérifier la météo, en faites, c’est ça qui me stresse le plus : 98% de pluie toute la journée. Je sais que je ne suis pas en sucre, mais je savais que je partais pour au moins 8-10h d’efforts et je n’avais pas envie de ça pour un premier 50km.
J’essaie de me coucher pas trop tard, mais je peine à trouver le sommeil.
Jour-J :
Réveil à 5h30, j’ai du mal à petit déjeuner car le stress est présent, mais je me force un peu tout en prenant mon temps car le départ n’est qu’à 8h15.
Je me prépare tranquillement pour ne rien oublier. Arrivée sur place, je dépose mon sac et me rend sur la ligne de départ. Il pleut déjà , mais je suis prête à en découdre. À ce moment-là , je suis partagée entre un mélange d’excitation car je vais vers l’inconnu – je n’ai jamais dépassé 30km et 1000m D+, comment mon corps va réagir ? – et en même temps, un gros stress – mon cardio affiche 130 bpm alors que je ne bouge pas – mais je reste confiante : la barrière horaire est large (12h) et je me suis préparée pour cette distance. Maintenant, je n’ai qu’une hâte : que le départ soit lancé pour arrêter de cogiter et me laisser porter par la course.
Dans ma tête, j’ai découpé ma course en fonction des cinq ravitaillements : l’objectif était de me fixer comme but d’abord le premier ravitaillement, puis le deuxième, puis le troisième etc., en me disant « OK, il me reste 3km avant le prochain ravito et le temps de me poser quelques minutes » et non « punaise, il me reste encore 20km avant la fin », de ce point de vue, c’est tout de suite moins motivant.
8h15, sur la piste de Couvet, le départ est lancé, montre enclenchée. « C’est partiiii ! » Les gens nous encourage, l’ambiance est là , ça fait tellement du bien de voir ça ! On s’élance direction la forêt, dès que les montées se présentent, j’enclenche le mode marche rapide même si l’envie de courir dans les montées était là , hors de question de se cramer dès le début, j’ai 50 bornes à faire, il faut que j’apprenne à gérer mon effort. Ça y est, on entre dans la forêt, les kilomètres défilent et ne font que monter, le terrain est bien boueux mais je kiffe, et je fais surtout attention à ne pas glisser comme certains devant moi. Je commence à manger au bout de 45 min : une pomme pote et quelques fruits secs. Dès que ça redescend, je déroule tranquillement. La pluie s’arrête. Ouf. J’espère que ça va rester ainsi assez longtemps. De retour sur du plat, je sais que le premier ravito n’est plus très loin. Je commence à discuter avec deux autres femmes avec qui on se double régulièrement. Puis, je continue mon chemin. Arrive le premier ravitaillement après un peu plus de 12km. Jusqu’ici, tout va bien. Je bois du coca, je discute vite fait avec les personnes avec qui je loge, qui sont venues m’encourager. Ça me fait trop plaisir de les voir. Je leur dis que c’est trop bien, que je me sens bien, je me reprends un verre de coca et je repars tranquillement pour la plus longue ascension du parcours : 5km & 730m D+.
Je prends mon temps, je me sens bien, je suis même assez étonnée. C’est là que je remarque que les séances de côtes ont payé. Je double quelques personnes, ça fait du bien au moral, même si elles me redoubleront plus tard. Arrive le fameux sentier des 14 contours : une succession de virages qui se raccourcissent au fur et à mesure. Et c’est normalement au bout de ces virages qu’on est censé avoir cette magnifique vue. Évidemment, avec la météo qu’il y a, je ne vois que des nuages et du brouillard. Mais c’est pas grave, c’est déjà tellement cool d’être ici et d’accrocher un dossard. Le temps de finir la montée, je prends une autre pomme pote même si le prochain ravitaillement n’est plus très loin et je me remets à courir une fois le terrain de nouveau plat.
Je me laisse porter par les descentes et je kiffe tout simplement. Le deuxième ravitaillement est là et avec de la musique en plus, de quoi mettre un peu d’ambiance. Coca, tuc, chocolat, remplissage d’eau de mes flasques et je repars direction le prochain ravitaillement 10km plus loin. Sur cette portion, ce n’est que de la descente. Forcément, je me dis « cool, je vais pouvoir dérouler et récupérer ». Sauf que cette longue descente est par moment technique et très boueuse. Je fais attention car j’ai peur de tomber, je préfère prendre mon temps même si je suis un peu frustrée de ne pas pouvoir dérouler comme j’aimerai. Je réalise petit à petit que je suis déjà à la moitié du parcours. Le moral va bien, les jambes tirent un peu mais ça va, par contre, je commence à avoir mal sous mon pied gauche. Je suppose que c’est une ampoule qui se crée. (En faisant ma douche le soir, ce n’était pas une ampoule mais ma peau qui fripait à cause de l’humidité qu’il y avait dans mes chaussures.) Heureusement, pour le moment, ça reste surmontable. J’essaie de ne pas prêter attention à ça. La descente continue, c’est assez raide par moment. C’est agréable de courir en forêt, en plus, le soleil est parfois présent, ça fait tellement plaisir ! Le 30e km est là et le troisième ravitaillement également. Je reprends la même chose qu’au deuxième : chocolat, tuc et coca. À chaque ravitaillement, je reste quelques minutes, je prends le temps de manger et de faire le point avec moi-même. Je discute vite fait avec les autres coureurs que je croise à chaque ravitaillement (enfin, ce sera la dernière fois que je les croiserai). Je repars, ça remonte direct. Déjà presque 5h d’efforts, ça commence à piquer un peu mais le moral est toujours au beau fixe et c’est ça le plus important. Par contre, cette fois-ci, j’ai mal sous mes deux pieds. Bon. J’essaie de faire abstraction de ça et de me focaliser sur la montée, la nature qui m’entoure et du soleil toujours présent – moi qui stressait pour la météo les jours précédents.. Je continue, je vois des escaliers au loin et là , je sais que ça va vraiment piquer. Je prends mon temps et en même temps j’admire les magnifiques cascades qu’il y avait.
Mais la réalité me rattrape, les escaliers me paraissent interminables. J’ai l’impression de ne pas avancer, de faire du surplace. Il n’y a plus personne autour de moi. Il n’y a plus d’autres coureurs. Ça fait bizarre de sentir seule d’un coup. Je continue. Je marche, j’essaie de marcher vite en montée. Et je me retrouve de nouveau face à de belles cascades, je monte les escaliers qui sont juste à côté. C’est super beau. Je sors de cet endroit, je commence à manger mes tomates pour me faire du bien, même si le moral est là et que je ne cesse de me répéter que je vais finir, j’ai mal aux pieds. Et ça, c’est assez relou. Je n’arrive plus à courir sur le plat, alors je marche, vite. Finalement, ça redescend. Je me remets à courir et essaie d’oublier l’inconfort de mes pieds. Je suis toujours toute seule. Seule face à moi-même. Seule face à mes pensées. J’ai qu’une hâte, c’est d’être au prochain ravitaillement. Mais les kilomètres n’avancent pas. Il me reste à peu près 14km avant la fin. Je sais que ce n’est rien, que j’ai fait le plus dur, mais je peine à avancer comme je le souhaite. Je n’arrive plus à manger. Rien ne me fait envie, j’ai l’impression que si je mange, je vomis. Enfin, arrive l’avant dernier ravitaillement. Je me ressers de coca et je repars. Ça descend, je me remets à courir. J’essaie de me dire que le dernier ravitaillement n’est que dans 4km. 4km, ce n’est rien. Ce n’est vraiment rien sur tout ce que j’ai déjà fait. Le parcours alterne petites descentes et montées qui me cassent les jambes. Je m’accroche, je m’accroche en me disant que dans quelques heures, c’est fini. Je ne cesse de me répéter cette phrase : « La douleur est éphémère mais la victoire est éternelle. » Alors, je repars comme je peux, je marche vite, je donne ce que je peux. J’arrive au dernier ravitaillement. Les bénévoles sont adorables, ils nous encouragent (merci à eux pour toute l’organisation de la course). Je prends tout de même un petit carré de chocolat même si l’envie de manger n’est plus là . Ça grimpe encore mais je m’accroche. Je sais que je vais le finir. Je le sais. J’ai fait le plus gros et je suis déjà super fière de moi. Je suis quasiment à 7h de course et je sais que je vais finir dans un temps bien meilleur que ce que je pensais, même si mon principal objectif est de finir. J’avance pas à pas et je reconnais Couvet. « Okay Marie, l’arrivée n’est plus très loin. Accroche-toi. » J’alterne marche course, même sur du plat. À ce moment-là , comme si ça ne suffisait pas, je commence à avoir également des frottements sous mes bras. « Merde, j’aurai dû mettre de la crème anti-frottements même sur mes bras ». Bon, au moins je saurai pour les prochaines fois. J’avance. Chaque pas en avant compte. Chaque pas me rapproche de l’arrivée que j’attends avec impatience. Au fur et à mesure que je me rapproche de Couvet, j’entends le speaker. Ça y est, je sais que l’arrivée n’est plus très loin. Encore quelques kilomètres et je suis finisher. Mais j’ai l’impression de ne jamais sortir de cette forêt. Je recours un peu. J’essaie de donner le meilleur de moi avec la condition du moment. Dernières montées et ça redescend. Mais le terrain est ultra boueux. Je ne passe pas loin de chuter à plusieurs reprises. Je me fais quelques frayeurs, je ralentis et fais attention où je mets les pieds. C’est bon, je sors de cette forêt. Je cours au rythme que je peux mais je cours. Je vais le faire. La ligne d’arrivée est toute proche. Je reconnais au loin le gymnase du départ. J’accélère. Je vois des gens qui nous encourage. J’accélère encore. Je ne sais pas où je puise cette force, mais c’est là qu’on remarque que le mental a un pouvoir extraordinaire. J’oublie toute mes douleurs et je fonce vers l’arrivée (4’30″/km). Je suis finisher. « P*t*in, je l’ai fait ! ». Je pleure (de joie). Je suis fière de moi. Fière d’être allée au bout, de n’avoir rien lâché. Je regarde ma montre : 8h34. Moi qui pensais le faire en au moins 10h. Il faut que j’arrête de me sous-estimer. Je récupère mon t-shirt finisher. Je suis un peu à l’ouest car je ne réalise pas. À ma montre, je me retrouve avec quasi 50km et presque 1900 de dénivelé positif.
J’ai adoré cette course, même si c’était dur sur la fin. J’ai tellement appris sur moi. Jamais je ne me serai pensé capable de faire ça auparavant. C’est de la folie. J’ai vraiment réalisé grâce à cette course que j’aime le trail, vraiment, alors que ce n’est seulement que mon deuxième trail officiel, mais je ne compte pas m’arrêter là . À l’heure où j’écris ces mots, j’ai encore du mal à réaliser que je l’ai fait. Je n’arrête pas de me répéter « 50km et 1900mD+, wow ».
Merci au sport de me donner confiance en moi et merci la vie de me faire vivre ce genre d’expérience.
Merci à toi d’avoir lu jusqu’ici.