COL DU GRAND SAINT BERNARD – Thonon > Aoste à vélo
COL DU GRAND SAINT BERNARD – Thonon > Aoste à vélo

COL DU GRAND SAINT BERNARD – Thonon > Aoste à vélo

Depuis plusieurs semaines, j’essaie de caler une journée pour faire Thonon -> Aoste à vélo. Problème ? Rentrer à Thonon, le soir même depuis Aoste, n’est pas possible. Du moins, c’est assez compliqué. Mais c’est là que ma collègue italienne préférée, Federica (Fefe) intervient. Il lui arrive de s’y rendre en voiture, alors c’est l’occasion qu’elle me ramène en même temps sur le trajet retour. Enfin, il ne manque plus de trouver une date où nous sommes toutes les deux disponibles. Après quelques échanges, le dimanche 15 septembre 2024 fut choisi. Il n’y a plus qu’à croiser les doigts pour que la météo soit bonne.

Justement, la semaine qui précède, le froid vint s’installer dans la région. Et quand t’habites près des montagnes, le froid est aussi synonyme de neige en altitude. Voilà que je vois ma petite épopée au Grand Saint Bernard s’éloigner peu à peu. Au final, je me dis que j’irai coûte que coûte, neige ou pas neige. Au moins, j’aurai tenter et c’est le principal. Grand soleil frisquet annoncé pour ce dimanche, ce serait bête de ne pas tenter.

Jour-J

À quelques minutes du départ.

Levée à 6h. Partie à 7h30. Me voilà les fesses sur mon vélo, ma petite sacoche sur mon guidon, direction le col du Grand Saint Bernard. Le vent et le froid étaient déjà, eux, matinaux. J’avais hâte de cette journée. Ça faisait longtemps que je n’avais pas fait une petite aventure comme celle-ci.

Le jour se lève doucement sur le lac Léman. La fraîcheur de ce matin se lit sur mes joues rougeâtres. Je suis déterminée à rouler toute la journée, tout en sachant que ces dernières semaines n’ont pas été très riches en entraînements. Mais si le mental est là, alors le reste suivra.

Sur la route, je me fais doubler par ma collègue. Elle va me tenir au courant de la situation du col : ouvert ou fermé. Dans un des cas, je ferai demi-tour, retrouver la chaleur de mon lit.

Première petite pause après avoir passé la douane à Saint Gingolph. Je mange une barre, m’hydrate, prends deux-trois photos de mon vélo face au Léman, puis repars. Quelques minutes plus tard, un bip sur mon GPS et le SMS de Fefe qui s’affiche « 1ère indication : ouvert ». Et là, je me dis : « Yes, trop cool ! ». Motivation à bloc, je me dirige vers la voie verte qui longe le Rhône. Le soleil commence enfin à pointer le bout de son nez et permet de réchauffer gentiment mes mains et mes pieds. Je trouve cette voie verte très agréable à rouler avec vue sur les montagnes devant, à droite et à gauche. Mais, cela devient également vite sans fin, d’autant plus que je connais déjà la route jusqu’à Martigny.

Je m’arrête manger, pain et fromage de chèvre, proche de Monthey. Mon pain/fromage est une valeur sûre en terme de ravitaillement, déjà testé plus d’une fois et utilisé sur ma RAF300. Déjà un peu plus de 2h que je roule. Je suis encore qu’à une petite heure de Martigny. Je repars après avoir enlevé mes gants, tellement épais que je me sens à l’étroit avec. Le soleil est bien là, mais l’air est encore un peu frais. Je continue mon chemin sur cette voie verte. Elle me paraissait moins longue la première fois que je l’ai fait.

70km plus tard depuis Thonon, me voilà enfin à Martigny. État des lieux : j’ai déjà mal à une jambe. C’est la merde. Ce n’était que l’échauffement. La motivation a drastiquement baissé. Comment vais-je faire pour grimper là-haut alors que j’ai déjà mal aux jambes ? Je me pose quelques minutes à un bar pour m’hydrater avec un coca et songer à cette question. Je repars tranquillement sans grande conviction. C’est le début de la longue ascension.

Étant donné que le tunnel du Mont Blanc est fermé, l’autre accès proche pour l’Italie est le tunnel du Grand St Bernard. Ce qui signifie plus de circulation que d’habitude. Durant ainsi les premiers kilomètres, je ne cesse de me faire doubler. Toutes les deux secondes, c’est un bruit de voiture, voire pire de moto, qui caresse mon oreille gauche. À ce moment-là, je n’ai qu’une envie : faire demi-tour, prendre le train à Martigny et rentrer à Thonon. Rien de plus agaçant que de se faire doubler sans répit. Mais je pense à Fefe, qui m’attend à Aoste ce soir, je pense à ceux à qui j’ai dit que je ferai le Grand St Bernard, je pense à moi : je sais que je serai finalement déçue de ne pas avoir osé. Et puis, j’ai de grosses ambitions sportives à vélo pour 2025 : je ne peux pas abandonner là parce que j’ai mal aux jambes ou parce qu’il y a trop de circulation. Non. Ce n’est pas possible. Je m’accroche et j’avance à mon rythme.

J’ai décidé de diviser mentalement l’ascension par les villages que j’allais traverser : Sembrancher, Orsières, Liddes, Bourg-St-Pierre, l’entrée du tunnel et enfin, le sommet.

Une fois arrivée à Orsières, mon moral allait déjà mieux. Il y a moins de circulation et c’est beaucoup plus agréable. Je m’arrête dans ce petit village très calme près face aux montagnes. Je mange, m’hydrate, remplis mes gourdes et nettoie mon vélo qui a accumulé de la poussière. Je repars tranquillement en me disant que la route est encore longue. Quelques virages s’enchaînent et je lis sur le côté droit de la route « Grill à 100m » avec une flèche vers la gauche. Même si je ne mange pas de viande, qui dit grill, dit frites-coca, et ça, ça me réjouit : une bonne excuse pour s’arrêter et me faire du bien au moral. Ça part donc sur une barquette de frites-ketchup et une petite bouteille de coca. Il fait beau, la vue sur les montagnes est belle. C’est une belle journée. J’essaie de ne pas trop traîner, car il reste encore de la route à grimper. Le moral va mieux, mais on est bien loin de la super détermination du matin.

Orsières

Mine de rien, il fait chaud. Je suis un peu trop couverte avec le soleil de face. Il n’y a rien d’agréable, car je sens que j’ai trop chaud. Mais malheureusement, je n’ai plus assez de place ni dans mes poches arrières, ni dans et sur ma sacoche de guidon. Je prends mon mal en patience sachant que, plus je monte en altitude, plus il fait frais et je suis bien contente tout de même d’être couverte dans les passages ombrés.

Je roule et je passe le village de Liddes. Une étape de plus de fait. Mine de rien, petit à petit, je me rapproche du sommet. Un coup de pédale après l’autre, j’avance. J’admire le paysage, c’est tellement beau quand même, toutes ces belles montagnes. Mon GPS bipe de temps en temps : SMS de Fefe. Elle me demande où j’en suis, si ça va. Tout va bien. Un peu avant Bourg St Pierre, je vois une petite station service avec une petite boutique de souvenirs et surtout des glaces. Allez, une nouvelle bonne excuse pour s’arrêter de nouveau alors que seulement 45 min se sont écoulées depuis la pause frite. Un magnum classique acheté et je me pose quelques mètres plus loin dans l’herbe. Il me reste 15 km à gravir pour arriver là-haut. 15 km, c’est pas grand chose comme ça, mais avec du dénivelé, c’est encore bien long. Et je suis bien loin de savoir ce qui m’attend sur les derniers km. Je repars en me disant qu’il va falloir que je réduise les pauses si je ne veux pas arriver trop tard là-haut.

Pause magnum.

Je poursuis mon petit bout de chemin, passe par des petits bouts de tunnel, auprès du Lac des Toiles. Et puis, je lis une information qui me réjouit : sur un panneau « Tunnel Grand St Bernard 6km, Col 13km ». C’est là que je prends conscience que je suis quand même plus très loin du but. Le dernier tunnel, avant le Tunnel du Grand St Bernard, me paraît très long. C’est un tunnel avec des ouvertures sur le coté droit, ce qui me laisse entrevoir le paysage. C’est un faux plat montant, ce qui me permet d’accélérer un peu et donc, de me rapprocher un peu plus vite du sommet. Mais cela reste quand même long. Très long.

L’avantage avec ce tunnel, c’est que je ne peux pas m’arrêter inutilement sur le côté pour faire une pause.

Quelques minutes plus tard, voilà que j’arrive enfin à l’intersection entre le tunnel du Grand Saint Bernard et la route pour le col. Mini pause. Moins de 7km à parcourir pour y être. Je vois le début de la route et je sens que ça va pas être du gâteau. 1900m d’altitude. J’écris à Fefe que je ne suis plus très loin du sommet et je repars. Dès le début, je sens que je vais en baver. Je sens que c’est bien raide. Pendant les 30 premiers km, c’était du 4-5%. Là, on est plutôt sur une moyenne de 9-10% avec des passages à 11-12%. Rien que ça. Sans oublier que je suis à presque 2000m d’altitude. Dur dur. Vraiment. « Un coup de pédale après l’autre » que je me répète en boucle. J’alterne positions en danseuse et positions assises. Même si je ne suis plus qu’à quelques kilomètres du sommet, j’ai l’impression que ça n’en finit pas. Par contre, les paysages sont tellement beaux et apaisants. Il y a beaucoup moins de circulation, je trouve quelques animaux, les couleurs automnales s’installent doucement.

Sur les derniers kilomètres.

Je fais une mini pause sur le côté droit de la route : un peu moins de 5km restant. 2-3 photos, je mange un petit truc et je repars. Quelques minutes plus tard, je vois le panneau : Alt. 2120m Col à 4km. Quatre kilomètres. C’est rien, mais c’est tellement à la fois. Quatre kilomètres et c’est bon. Quatre kilomètres et c’est bon. Quatre kilomètres et c’est bon. Je répète ça autant de fois qu’il le faut pour ne rien lâcher et ne pas passer mon temps à faire des pauses. Alt. 2300 et quelques. Col à 2km. Deux bornes. Je sens que l’air se rafraîchit. La fin de la montée est presque constamment à l’ombre. Je pousse sur mes cuisses. C’est dur. Mais je suis tout près. J’y suis presque. 1,5km. Allez, je m’accroche. 1km. Bordel, j’y suis quasiment. Je vais le faire. 500m. C’est raide. Une voiture me klaxonne pour m’encourager. Je me mets en danseuse. J’aperçois au loin la première maison. Punaise, je vais y arriver. Je sens les émotions monter en moi. Je n’y croyais pas mais je suis bien montée tout là-haut. Je vois le fameux panneau : Col du Grand Saint Bernard – alt. 2473m. J’ai les larmes aux yeux. Je l’ai fait !

Col du Grand Saint Bernard, c’est fait !

C’est tellement beau avec ce petit lac au milieu. Je passe le panneau « ITALIA » : première fois pour moi en Italie. Je m’arrête au bord du lac, pose mon vélo et prends une photo pour immortaliser ça. Il y a énormément de vent. Il fait froid. J’appelle Fefe en Face Time pour lui dire que je suis arrivée en haut. On reste à peine quelques minutes en appel car le vent, là-haut, est glacial.

Maintenant que j’ai fait le plus dur pour mes jambes, je vais affronter ce qui me fait le plus peur dans tout ça : la descente. Je ne suis pas du tout à l’aise en descente, surtout en descente de col. Avant de quitter le sommet, je mets mon kway et mes gants bien épais pour affronter le froid qui m’attend de l’autre coté de la vallée. Le vent est terrible. Je ne suis pas du tout sereine à descendre, là maintenant. Je commence la descente. Le vent est fort. Si fort que je le sens faire bouger les roues de mon vélo. Là, je me dis que ça va être long. Je freine beaucoup. Beaucoup trop. Je sais que ça abîme énormément mes freins mais je ne suis absolument pas à l’aise à ce moment-là. Je descends donc doucement. Je prends les virages tranquillement. J’essaie de me détendre quand je peux. Je n’ai qu’une hâte : me rapprocher d’Aoste au plus vite pour ne plus devoir supporter ce froid polaire. Je freine tellement par moment que mes mains et mes bras sont hyper tendus. Ça n’a absolument rien de confortable. Zéro plaisir à ce moment-là. J’arrive à doucement lâcher mes freins sur les longues lignes droites, mais qu’est ce que j’ai froid bordel. Heureusement, les lignes droites s’enchaînent et me permettent de me rapprocher plus rapidement d’Aoste. Je sens petit à petit que, plus je perds en altitude, plus l’air est chaud.

Je m’arrête quelques secondes sur le côté pour retirer – enfin – mes gants. Ils sont tellement épais que j’ai une très mauvaise prise sur mes freins. C’est un bonheur de les retirer. Je commence enfin à prendre du plaisir dans la descente. C’est moins raide, il fait meilleur, parfait pour que le plaisir revienne. Le paysage est incroyable. Trop contente et fière de me dire que je me rapproche d’Aoste et qu’il n’y a plus aucune difficulté. J’ai juste à savourer et à me dire que je l’ai fait : ma plus longue sortie pour 2024 avec assez peu d’entraînements ces derniers temps, mon premier col à plus de 2000m et ma plus longue ascension.

Plus je descends, plus je vois Aoste et le bas de la vallée. Dans quelques minutes, j’y serai. Je réalise pas. C’est passé si vite.

Place principale d’Aoste devant l’hôtel de ville.

148km – 2222m D+ et un beau tracé Strava :

Après une mini balade dans le centre ville d’Aoste et une bonne pizza, il est temps de rentrer à Thonon.

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